Les salles de fitness se retrouvent victimes d’un malentendu.
Félicité des Nétumières
Le 10 novembre 2020, la revue Nature (voir l’article) a publié un article visant, à l’aide d’une modélisation statistique tout à fait remarquable, à déterminer les lieux de contamination les plus fréquents du coronavirus.
En suivant les déplacements, au cours des mois de mars et avril 2020, de 98 millions d’individus résidant dans de grandes métropoles, se rendant dans différents commerces ou autres lieux recevant du public, et en croisant ensuite ces données avec les données de contamination au COVID-19 finement réparties au niveau local, ils sont parvenus à déterminer quels étaient les lieux les plus susceptibles de faire circuler le virus, ceux où la probabilité de contracter la maladie était la plus élevée.
Ceci en tenant compte de diverses variables comme le temps passé dans le lieu, pour une visite donnée. Les résultats sont très clairs et très robustes : les restaurants, les salles de fitness et les bars occupent haut la main les trois premières places du podium.
Cela a suffi pour que, aussitôt, se répande l’idée que les restaurants, les salles de fitness et les bars seraient les principaux lieux de contamination et, donc, bien logiquement, qu’il conviendrait de laisser fermés ces commerces pour endiguer la pandémie.
Ce glissement, depuis le résultat d’une modélisation à un instant T, à partir de certaines données et dans un cadre particulier, vers un discours généralisateur et des prises de positions tranchées, est malheureusement fréquent et n’est pas de nature à apaiser un débat d’ores et déjà si empreint de colère et de doutes vis-à-vis du discours scientifique.
En premier lieu, il faut bien comprendre que l’étude désigne des champions de la contamination, non pas en soi, mais parmi certains lieux de réunion de personnes (essentiellement commerces et lieux de cultes), dont sont exclus les transports en commun, les autres lieux de travail (bureaux, usines, etc.), les écoles, lycées et universités.
Ainsi la proportion de contamination dans l’ensemble de ces lieux est quasiment toujours inférieure à 50 %, ce qui signifie qu’une contamination sur 2 a lieu ailleurs. Quant à celle des fitness, elle est au plus de 5 %. On est loin du super cluster !
En second lieu, en désignant les restaurants, fitness et bars comme très contaminants au mois de mars, l’étude nous confirme seulement que la source de contamination est la concentration excessive de public dans des lieux clos, pendant un long moment, et sans gestes barrières.
Ceci n’est une surprise pour personne. Le souffle, les conversations, le manque de distanciation : tout est favorable.Elle ne dit cependant pas que les fitness, « par nature », n’auraient aucune chance de perdre leur pouvoir contaminant.
Notamment s’ils appliquaient des modus operandi différents, en particulier les gestes barrières que l’on retrouve partout sur les lieux de travail : quatre mètres carrés par personne, des Plexiglas de séparation, une meilleure aération, des nettoyages fréquents des machines, le port du masque, etc.
Les graphiques de l’étude le montrent d’ailleurs très bien : dès le 15 mars, les taux de contamination dans les fitness commencent à s’effondrer. Ont-ils tous fermé ou bien ont-ils appliqué des mesures de protection ? Il serait intéressant de refaire tourner les modèles aujourd’hui, pour voir comment les choses ont évolué, 9 mois après, maintenant qu’on en sait bien davantage sur les modes de contamination et que les pratiques de protection sont bien différentes.
Ceci permettrait de tirer tout le bénéfice de ce travail exceptionnel et d’éviter d’imposer au secteur entier du fitness une politique pour les mois à venir, à partir de conclusions déjà dépassées. Les salles de fitness se retrouvent victimes d’un malentendu.
On sait tout le bien, pour la santé tant morale que physique, qu’il y a à faire de l’activité physique. On sait aussi les ravages que provoque la sédentarité. Etablissons des protocoles de distanciation, toute la profession y a travaillé de manière très sérieuse, et rouvrons les salles de fitness.
Félicité des Nétumières
Présidente de Wellness Training
Ancienne élève de l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE)